♦ Chapitre 1 ;« Vous qui aviez peur de l’obscurité le soir,
Je vais vous montrer qu’il y pire encore à craindre,
Et que jamais vous ne pourrez affronter ce qui se tapit dans le noir. »
« Non mais c’est quoi ce bordel, Loki ?! »
Hum… Légèrement de mauvais poil, le Tony Stark. Mais alors très légèrement, à peine. Nerveux, il faisait les cent pas sur le toit d’un immeuble surplombant une cité en ruines, sous le regard du Dieu qui de son côté ne bougeait pas d’un poil. Posé, tranquille. Ou tout du moins, il essayait de le rester. Et voir son amant tourner en rond comme un lion en cage ne l’aidait pas vraiment.
Ce qu’il s’était passé ? Lui-même ne le savait pas vraiment. Tâchons de remonter un peu le fil de cette journée. Ce matin-là, les deux hommes s’étaient réveillés vers dix heures (encore une fois ils n’avaient pas passé la nuit qu’à dormir, si vous voyez ce que je veux dire), étaient allés manger un petit quelque chose en cuisine, puis étaient sortis prendre l’air. … Le SHIELD ? Aucun problème, allons ! Le Jötun avait révélée sa présence sur Terre quelques temps auparavant, et bien que les choses aient failli très mal tourner, au final ça avait fini par se tasser. Bon, évidemment Fury ne prend pas le thé avec Loki, tout comme Hawkeye et sa chatoyante copine rousse l’évitent, mais au moins personne n’essayait de le tuer ou de le jeter au fond d’une cellule, ce qui était déjà une victoire en soi. Donc… Ah oui. Une fois le déjeuner pris à la tour Stark, ils avaient passé l’après-midi à lire pour l’un, et à travailler sur des inventions tordues pour l’autre, et ce jusqu’à ce que le soleil ne commence à se coucher. La soirée s’annonçait tranquille. Enfin… Jusqu’à ce qu’une sorte de monstre ailé géant ne vienne briser la vitre pour essayer de les dévorer. Pas moyen d’être tranquille quand on est un super-héros, hein ? Cette sorte de Chimère s’apprêtait à rôtir Tony, et la première réaction de Loki fut d’attraper son amant pour se téléporter aussi sec, in extremis. Où ça ? Eh bien… La destination était censée être l’atelier de l’ingénieur, dans lequel il aurait pu revêtir son armure et ainsi retourner botter le derrière de ce machin plein de poils qui mettait sa tour à sac. D’ailleurs, à force il allait finir par la laisser telle qu’elle, ça épargnerait des efforts inutiles si c’était pour qu’on vienne la bousiller à peine les travaux terminés ! … Mais ce n’est pas le propos.
Et donc, comme vous devez vous en douter, il y a eu comme un… Problème avec la magie du Dieu, ce qui a eu pour effet direct de les expédier sur un autre monde. Et pas un de ceux d’Yggdrasill, oh non ! Cela aurait été trop simple, voyons. C’était un univers totalement différent, et ça Loki le sentait bien. Rien ne semblait pareil. Et il ne le voyait pas que grâce ou à cause du décor, qui était… Post-apocalyptique. Cette ville ressemblait à New York… En fait, c’était New York, mais dévastée, silencieuse. Le Jötun fronça légèrement le nez. Cette odeur… Il l’avait bien connue sur les champs de bataille, quand il se battait aux côtés de Thor, sur Asgard.
« Tony… Tony, calme-toi. T’énerver ne nous servira à rien. Tu ne sens pas que quelque chose ?
- … A part que ça pue la mort, non.
- Exactement. Tu ne trouves pas ça étrange ? »
L’ingénieur, qui s’était immobilisé, parut songeur. Effectivement, c’était louche tout ça. Cette New York empestait le cadavre, et pourtant… Ils n’en voyaient aucun. Qu’est-ce qu’il se passait ici ? Lentement, il se tourna vers le Jötun et s’approcha de lui.
« On doit trouver un moyen de rentrer à la maison, et vite. Je n’aime pas beaucoup l’ambiance, ici.
- Moi non plus. … Ca ne va pas t’enchanter, mais… Je n’arrive plus à utiliser mes pouvoirs. »
Gros blanc. On aurait pu entendre une mouche voler sans problème. Puis Tony porta une main sur son front pour se le masser un peu, fermant les yeux.
« Attends… Tu es en train de me dire qu’on se retrouve sur un monde totalement inconnu, sans mon armure et sans tes pouvoirs ? Et que donc nous sommes totalement sans défense ? Non, tu te fous de moi là, hein ? »
Devant la mine on ne peut plus sérieuse de Loki, l’ingénieur fut pris d’un léger rire nerveux, qu’il contint rapidement pour passer à quelque chose de plus… Energique. La crise de nerfs.
« Quand je te dis que je n’aime pas la magie ! Regarde où on est maintenant ! Si tu t’étais contenté de me pousser hors de la trajectoire des flammes de cette saloperie bestiole, tout ça ne serait pas arrivé, on ne serait pas ici, et on aurait pu tranquillement botter les fesses de ce machin ailé ! Mais non, comme d’habitude il a fallu que môssieur utilise sa magie ! Tout ça c’est de ta faute, Loki ! Ta faute ! »
Bon, au moins c’était sorti. A vrai, il ne pensait pas la moitié de ce qu’il venait de dire, mais il avait besoin de se défouler, et tant pis si c’était sur Loki. Il y a quelques mois encore, le Dieu n’aurait pas hésité une seule seconde et aurait balancé Tony du haut de l’immeuble pour lui avoir parlé comme il venait de le faire, mais les choses étaient différentes à présent. Et le Jötun affichait une mine contrariée et un peu blessée, sans rien dire. A vrai dire, il n’avait pas grand-chose à répondre à ça, parce qu’au fond, son amant n’avait pas tord.
De son côté, Tony commençait à se calmer, et à regretter ses paroles. Lâchant un profond soupir en secouant légèrement la tête de droite à gauche, il finit par enlacer le Dieu, l’embrassant sur la joue.
« Désolé, tu sais que je raconte n’importe quoi quand je suis sur les nerfs.
- Je sais, mais tu pourrais faire attention.
- Excuse-moi. Bon, on ne va pas rester sur ce toit toute la nuit. Il faut qu’on descende de là et qu’on essaie de voir ce qu’il se passe ici. »
Loki acquiesça d’un hochement de tête, et suivit Tony alors qu’il se dirigeait vers la porte donnant sur les escaliers qui allaient leur permettre de rejoindre le plancher des vaches. La descente fut longue, ce n’était pas un immeuble nain. De plus, ils progressaient doucement, par crainte de louper une marche et de dégringoler jusqu’au palier suivant. Parce que les couloirs étaient plongés dans une pénombre presque totale, évidemment. Détail amusant, on pouvait voir luire le réacteur ARK de Tony sous son tee-shirt. C’était à peu près la seule source de lumière qu’ils avaient, Loki étant incapable d’user de ses pouvoirs.
Arrivés au vingtième étage à peu près, l’ingénieur s’arrêta brusquement au milieu de l’escalier. Perplexe, le Dieu vint lui glisser à l’oreille :
« Qu’est-ce qu’il y a ?
- Regarde, là. »
Suivant la direction que lui indiquait son amant, il porta son regard un peu en contrebas. S’étalant de tout son long sur les marches noires d’un sang coagulé, ce qui restait d’un cadavre pourrissait là. Seul son buste restait, ses jambes avaient disparues on ne sait où, et ce qui dépassait de sa colonne vertébrale avait été rongée comme par une meute de chiens. Déglutissant, Tony s’avança et se s’accroupit pour jeter un œil au corps. … Ces morsures n’étaient pas celles de chiens. Qu’est-ce que c’était que ce souk, hein ? L’ingénieur aurait donné n’importe quoi pour se trouver tranquillement chez lui, confortablement installé sur le canapé avec Loki dans les bras. Il se releva, prit la main du Jötun dans la sienne et enjamba le cadavre avant de recommencer à descendre les escaliers, un peu plus pressé qu’auparavant. Il avait vu suffisamment de films d’horreur pour ne pas envisager cette hypothèse… Et si c’était bien ça… Bonjour la galère !
Une fois au dehors, les deux hommes jetèrent de longs regards autour d’eux. Rien. Rien hormis des voitures abandonnées aux vitres brisées, aux pneus éclatés, aux carcasses calcinées, aux carlingues tordues et déchiquetées, et un silence de mort. A propos de mort… Des macchabées tout aussi jolis étaient éparpillés par ci par là, dans un joyeux méli-mélo sanglant et putréfié. Tony réprima un haut le cœur, en détournant le regard, il n’était pas habitué à ça.
« Mais qu’est-ce qui s’est passé sur ce monde, bon sang… ? ronchonna-t-il en tâchant de calmer ses nausées.
- Je ne sais pas. Mais je n’aime pas ça du tout. On devrait trouver un endroit sûr pour passer la nuit, et nous chercherons un moyen de retourner chez nous lorsque le soleil sera levé. C’est plus prudent.
- Tu as raison. Reste à savoir quel endroit est sûr dans un monde qu’on ne connaît pas… »
Finalement, après avoir marché un peu hasard dans les rues, ils optèrent pour une petite chambre, sous les combles d’un vieil immeuble un peu isolé, au milieu de terrains vagues. Par précaution, Tony préféra pousser la lourde armoire devant la porte, histoire de s’assurer que rien ne rentrerait sans qu’ils ne s’en rendent compte. Son amant le regarda faire d’un air sceptique, mais ne l’en empêcha pas. Après tout, s’il se sentait mieux comme ça, hein…
Puis l’ingénieur rejoignit Loki et s’installa contre lui en le serrant dans ses bras. Dormir était la meilleure chose qu’ils aient à faire… Même si ça n’allait pas être facile.
~
L’aube était proche quand Loki se réveilla. Sourcils froncés, il s’était redressé, en fixant le plancher. Quelque chose… Semblait tituber au dessous, trébucher, et… Gémir ? Le Jötun se leva, écartant le bras que son amant avait encore autour de lui, et alla se placer au milieu de la petite pièce, continuant de fixer le sol. Ca ne lui plaisait pas beaucoup, tout ça.
Tony émergea de son côté, se relevant à son tour pour s’asseoir sur le bord du lit. En voyant le Dieu lui faire signe de rester silencieux, il haussa un sourcil interrogateur… Avant d’entendre lui aussi ces drôles de bruits. De mieux en mieux, tiens. Tony alla coller son oreille contre l’armoire qu’il avait placée devant la porte. … Rien. Visiblement, ça restait à l’étage du dessous, quoique ce soit. Le meuble retourna donc à sa place d’origine, et l’ingénieur ouvrit la porte, avant de jeter un œil dans le couloir. Rien à droite, rien à gau… Ah si. C’était quoi, cette silhouette ? … A laquelle il manquait un bras, en plus. Prudemment, Tony quitta la pièce et s’avança un peu. Cependant il se figea bien vite. Plus il s’approchait, plus cette odeur âcre de mort lui prenait le nez. Et puis, il était louche, ce type. Il semblait osciller, comme s’il tenait à peine sur ses jambes. Finalement, il sembla enfin voir l’ingénieur, et commença à marcher lourdement et maladroitement vers lui. … Ok. Qu’on le traite de paranoïaque, mais Tony avait quand même une culture cinématographique suffisamment grande pour ne pas reconnaître ce… Truc qui venait vers lui à la vitesse d’un escargot arthritique.
Sans plus réfléchir, il fit volte-face, attrapa Loki par la main et prit à droite pour descendre les escaliers et sortit dans la rue, en terrain découvert.
Une fois au dehors, il s’assura que rien ne venait vers eux, et se tourna vers le Jötun, qui le regardait avec l’air de dire « Mais qu’est-ce qui te prend bon sang ? », avant de passer une main dans sa courte chevelure en bataille. Il n’en revenait pas lui-même. Et pourtant… Difficile d’imaginer autre chose. Parce que vous en connaissez beaucoup, vous, des mecs qui vont se balader tranquillement avec un bras en moins et le moignon qui pisse le sang ? Hum, non, je ne pense pas.
« Ecoute, tu vas me prendre pour un taré, mais…
- Qu’est-ce qui te fait dire que ce n’est pas déjà le cas ? glissa Loki avec un sourire en coin.
- … Ah ce n’est pas le moment pour ça, hein ! Ce truc, là-haut. C’était un zombie. Et c’est sûrement ça qu’on entendait dans la pièce du dessous.
- Tu veux dire… Un mort-vivant ?
- Oui, un mort-vivant. Et d’après le cadavre rongé qu’on a trouvé hier, c’est le genre à chercher des proies vivantes pour son repas. Visiblement, ils sont lents et dénués de raison, c’est un bon point pour nous. Mais on doit éviter de se retrouver cernés, sinon on risque d’être submergés par le nombre et de terminer dévorés vivants. Ah, et… Dans le doute, évitons de nous faire mordre. Dans les films de zombies, c’est toujours comme ça qu’on se fait contaminer qu’on finit par en devenir un. Toi t’es un Dieu alors je ne sais pas si ça aurait un effet, mais dans le doute… T’avises pas de te faire croquer.
- Je serai prudent, même si j’avoue que je ne saisis pas tout.
- Si tu avais accepté de regarder des films d’horreur, tu saurais.
- On ne va pas revenir là-dessus dans un endroit pareil, tout de même ?
- Et pourquoi pas, hein, Loki ?
- … Peut-être parce des zombies arrivent derrière toi ? »
Tony se retourna vivement. Effectivement, une petite dizaine de cadavres ambulants titubaient vers eux en geignant et… En perdant quelques bouts par-ci par-là, aussi. Beurk… Les deux hommes s’échangèrent un regard qui en disait long, et se mirent à courir à l’opposé du groupe décomposé qui s’acharnait à les suivre malgré tout. Et tout en courant, l’ingénieur trouva encore le moyen de ronchonner, comme à son habitude.
« Si tes pouvoirs pouvaient revenir, ça nous aiderait ! »
… Surtout qu’ils venaient de foncer tête baissée dans une impasse, et qu’il n’y avait pas moyen de faire demi-tour, a part s’ils tenaient à terminer en casse-dalle pour mort-vivants. Ô joie, comme dirait l’autre.